L'averse

Fabienne Jacob

Gallimard

  • Conseillé par
    2 mars 2013

    On vient de le débrancher. Tahar, l’Algérien, va mourir. Autour de son lit se tiennent sa femme française, son fils muet, son beau-père chrétien et son frère d’armes. Tahar est venu en France à l’âge de 15 ans. Mais il n’était plus un enfant : la guerre d’Algérie venait de finir et il a fallu choisir un camp. Tahar a choisi la France, mais cela ne signifie pas qu’il a renié l’Algérie : il la porte en lui, lourde comme un reproche. Et la France ne lui a jamais vraiment su gré de son choix, quels que soient les efforts qu’il a déployés. « Au début, je suis Tahar l’assimilé, à la fin je suis Tahar l’Algérien. » (p. 21) Qui est Tahar ? Lui-même n’est pas certain de le savoir.

    De page en chapitre, on aperçoit des éclairs du passé, de l’enfance de Tahar et de la guerre, mais aussi de sa vie avec son épouse. La narration passe sans cesse d’une voix à une autre. Du « je » au « il », l’histoire change de cadrage et change d’angle. Les souvenirs de Tahar s’accompagnent des pensées des quatre personnes qui se tiennent autour de son dernier lit. Difficile alors de s’attacher au personnage principal : cela participe de sa construction puisqu’il parle peu de lui et reste un être secret. Mais pour ma part, je suis totalement passée à côté de cette histoire. La guerre d’Algérie est un sujet que je juge complexe et délicat tant il touche à l’intimité de l’histoire française. Dans ce texte, je n’ai pas retrouvé cette complexité. Je retiens malgré tout une phrase sur l’intégration des Arabes : « De toutes les offenses qu’on nous a faites, le politiquement correct est la plus cinglante, un coup de maître. » (p. 115) Voilà une réflexion que je partage complètement. Mais à part cela, L’averse est une lecture manquée. Cela dit, je sais qu’elle pourra toucher de très nombreux lecteurs.


  • Conseillé par
    16 octobre 2012

    A l'hôpital, la machine qui assure les fonctions vitales de Tahar va être débranchée sous peu. Lui, l’Algérien arrivé en France à l’âge de quinze ans est entouré de quatre personnes. Toutes françaises. Sa femme à l’amour sans bornes, leur fils prisonnier du silence, son un beau-père qui radote la même prière chrétienne. Et Becker connu au village alors qu’il était sous les drapeaux.


    Tahar va mourir. Plongé dans les limbes de l’inconscience, sa vie lui revient. Par fragments, ordre décousu d’évènements ou de simples faits. Son pays avec son soleil qui domine le djebel, les couleurs de la terre, la classe de l’école où la carte de l’Algérie côtoyait celle de la France, Madame Bayeux l’institutrice dont la robe laissait voir la peau laiteuse des bras, zones du corps cachées par les femmes de son pays, un camarade français qui l’invitait chez lui où tout était si différent, son amie Souad avec qui il gardait les bêtes. Mais la guerre existe bel et bien même si au village, elle semble se résumer à la présence des soldats. Elle rattrape l’existence Tahar, la bouleverse. Le garçon passe de plus en plus de temps en compagnie des soldats. Il leur apprend à prononcer sa langue, les divertit, devient leur mascotte et se prend pour un français. Débarqué en France, il y aura la promiscuité des foyers mais aussi les jeunes filles qu’il aimait tant regarder. Toute sa vie, il aura tout fait pour paraître français, le plus français possible. L’histoire de Tahar ne se cantonne pas à ses pensées.Sa femme, son beau-père dont la mémoire plie et déplie la même prière, son ami Becker se souviennent aux-aussi. Leurs voix complètent le tableau ou l’éclairent d’un autre point de vue.
    Son épouse fermera les yeux sur ses infidélités et respectera son silence sur son passé. Une jeune fille au tempérament fort pour faire accepter à ses parents son mariage avec un Algérien à la fin des années soixante. La mémoire vermoulue du beau-père laisse échapper le choc de la nouvelle et ses premières pensées racistes. Puis comment Tahar l’avait l’impressionné loin des clichés qui circulaient. Becker avait vingt et un ans quand il a connu l’Algérie. Simple appelé sous les drapeaux et une partie de sa jeunesse passée là-bas. Entre soldats, on ne parlait que des attentes meurtrières de la guerre pourtant au bled il ne se passait pas grand-chose. Mais la guerre insidieuse a tracé son sillon. Entre l’Algérie et la France, souvenirs heureux et blessures refont surface. Tahar le raconte sans fard avec cette mise à nu de la vérité qui bouscule. Ce qu’il gardait pour lui est dit par une voix complètement inattendue. Cri qui jaillit, étouffé depuis trop longtemps comme la terre qui attend l’averse.

    Fabienne Jacob nous dévoile l’Algérie, belle, âpre et éclatante mais aussi ses fils partis pour la France et ce qui les attendaient. L’écriture biseautée tranche, met à vif les sentiments profonds ou souligne la splendeur d’un pays, l’amour sincère. L’auteure interpelle le lecteur, le pousse dans ses retranchements. A travers l'histoire de Tahar, il y a des choix et leurs conséquences, la trahison, la colère ravalée et pire.
    Les mots claquent et résonnent longtemps après avoir tourné la dernière page…
    Après "Corps", Fabienne Jacob signe ici un roman percutant, puissant qui m’a ébranlée !