L'Audience

Oriane Jeancourt Galignani

Albin Michel

  • Conseillé par
    19 octobre 2014

    En quatrième de couverture, l'éditeur précise que la base de ce roman est un fait divers. Oriane Jeancourt Galignani tient alors ses personnages et s'en empare pour construire son roman. Dès le premier jour d'audience on sait que Debbie s'est mis tout le monde à dos. Dans cette petite ville du Texas, on n'aime pas le scandale, on n'aime pas qu'une adulte use de son pouvoir pour séduire des garçons -majeurs, qui pourraient aller se battre en Afghanistan, ils seraient alors des héros, mais qui n'ont pas le droit d'avoir des rapports sexuels avec une femme plus âgée.

    Dans les États-Unis bien pensants, puritains, un scandale sexuel est mal vu. O. Jeancourt Galignani oppose Debbie et ses pulsions, ses désirs sexuels -attribués en général aux hommes, elle gêne aussi en cela qu'elle n'entre pas dans sa case de femme-de-militaire-mère-de-trois-enfants forcément dévouée à l'un et aux autres- à la procureure Liz Lettown, bon chic bon genre déjà remarquée pour son combat contre les outrages aux bonnes mœurs qui incarne le puritanisme le plus pur, qui cache souvent lui aussi ses petites perversions. Pour Liz Lettown il faut absolument faire de Debbie une mauvaise femme, une coupable, c'est grâce à ce procès, si elle le gagne, qu'elle pourra avoir un poste plus intéressant, c'est son tremplin. Laquelle est la plus perverse finalement, la plus retors ?
    Oriane Jeancourt Galignani commence son roman par Debbie, puis petit à petit d'autres personnages, d'autres histoires apparaissent, celles de son mari, de sa mère, des garçons avec lesquels elle a couché, de Jimmy son avocat, de Louis Gordon le juge et de Liz Lettown qu'il désire. C'est un récit direct, franc et parfois cru, qui va au plus court tout en s'attardant sur les motivations des uns et des autres. On sent bien que les pulsions de Debbie vont causer sa perte, dans ce pays dans lequel le manichéisme est roi, dans lequel on connaît la différence entre le bien et le mal, la ligne de séparation est claire, nette.
    Mises à part quelques longueurs, quelques répétitions à mon sens inutiles, quelques maladresses (comme celle qui consiste à inclure 3 années bissextiles sur une durée de 5 ans) ou des coquilles : "Cinq hommes, sept femmes quittent à l'heure bleue la veille d'une maison et rejoignent le centre-ville de K." (p.11), "Mais dès qu'il repère une tribune dans un périmètre de deux cents, il pique dessus comme l'albatros sur un morceau de verre." (p. 45/46), j'ai trouvé ce roman fort intéressant. On reste jusqu'au bout pour savoir ; on espère que Debbie n'ira pas en prison pour quelques parties de jambes en l'air, on se demande même pourquoi elle est accusée et de quoi ? Maîtrisé et bien construit, en un huis clos un peu oppressant, à la manière d'un polar. Une écriture fine, ciselée qui va au plus direct et au plus profond de Debbie qui n'en fait ni une sainte ni une dépravée mais une jeune femme perdue qui demande de l'attention et éventuellement des soins psychologiques plus que de la prison. Un très beau personnage de roman, de ceux qui restent collés un moment à la mémoire des lecteurs.


  • Conseillé par
    28 août 2014

    guilty or not guilty?

    L’affaire est l’une de celles – innombrables – venues frapper à notre porte depuis les États-Unis, cet universel réservoir à faits divers. Le genre d’histoires que l’on a vu s’afficher, pixélisée, sur la bannière d’un mauvais site internet, ou que l’on a lue, finement analysée, entre les pages de nos quotidiens nationaux. On est incapable de situer le comté sur une carte mais on se rappelle encore le reflet de la blouse orange de l’accusé sur nos écrans de télévision. De l’une de ces histoires, Oriane Jeancourt Galignani s’empare. Laquelle en particulier, peu importe. Une histoire américaine, à la fois proche de nous, comme le sont devenus les paysages d’un territoire dans lequel on n’a parfois jamais mis un pied – proche et en même temps absurde, aussi incompréhensible que nous le paraissent les aberrations du plus puissant pays du monde. L’obésité morbide, Bush, les églises évangélistes. Cette fureur monstrueuse qui enveloppe à nos yeux l’Amérique et qui en fait, résolument, le territoire romanesque par excellence.

    Deborah Aunus est jugée. Deborah, petite trentaine, maman prof dans une bourgade du Texas. Deborah, femme d’un gars parti sous le drapeau en Afghanistan. Deborah et sa peau de blonde, son break Lexus. Son petit garçon asthmatique. Pourquoi se retrouve-t-elle au tribunal ? Parce qu’elle a couché avec certains de ses étudiants, des gars majeurs, vigoureux, et bougrement consentants. Mais en vertu d’une loi texane votée en 2003 pour « protéger les élèves de leurs professeurs » – et ce, quel que soit l’âge de l’élève ! – Deborah a commis un crime passible de cinq ans d’emprisonnement. Et pendant les quatre jours que durent l’audience,

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