Comment tu parles de ton père

Joann Sfar

Albin Michel

  • Conseillé par
    11 décembre 2016

    "Mon père, c'est pas rien"

    Puisque le titre du roman pose la question, autant y répondre d’emblée : Joann Sfar parle drôlement bien de son père. Il a eu raison de troquer ses pinceaux contre le stylo, car il a du style. Et le sens du rythme. Son phrasé, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de Céline, nous happe dès les premières lignes. 

    Sous ses airs pudiques, ce livre prend l’allure d’une déclaration d’amour. C’est un kaddish (prière des morts dans le judaïsme), que Sfar écrit pour son père, décédé après quatorze ans passés à se battre, en vain, contre la maladie de Parkinson. Quand s’ouvre le roman, cela fait trois semaines qu’il a rendu l’âme. Joann Sfar le dit tout de suite « pour qu’il n’y ait pas le moindre suspense » : il est mort dans ses bras. 

    Le voilà orphelin, lui qui a perdu sa mère alors qu’il n’avait que trois ans et demi. Il a appris au bout de deux ans qu’elle ne reviendrait jamais. Son père n’a pas eu le courage de le lui dire ; il a préféré mentir en évoquant un voyage. C’est son grand-père, lassé de l’entendre demander de ses nouvelles, nuit et jour, qui a osé briser l’omerta et lui révéler la vérité.

    **Evacuer la colère**

    L’écriture sert à Sfar de catharsis. Il a fait ce livre pour évacuer ses colères. Longtemps, le fils en a voulu à son père de lui avoir menti. Mais il le sait aujourd’hui : c’est sur ce mensonge qu’il a construit ses intrigues. Il a pris la plume et les crayons parce qu’il a constaté qu’on l’aimait quand il racontait des histoires. L’aveu est touchant : « Il me semble que si chaque jour je n’ai pas écrit ou dessiné un nombre précis de pages (en écriture dix-sept, en dessin, trois, à cinq), on va me couper la tête ».

    **Le culte de l'exploit sexuel**

    S’il lui a menti à propos de sa mère, en revanche, son paternel ne lui a jamais rien caché de sa sexualité. « J’ai vu la chatte de toutes les copines de mon père », résume Sfar crûment. Le nombre de ses conquêtes amoureuses impressionne. Son père l’a élevé dans le culte de l’exploit sexuel et se vantait d’avoir fait pleurer près de trois cents femmes. Aujourd’hui, c’est son fils qu’il fait sangloter. S’il manque de larme comme le constate le docteur Gorgounioux, cela s’explique aisément : il en a versé durant un an à la mort de son père. 

    L’émotion affleure chaque fois que Sfar égrène ses souvenirs d’enfance avec cet homme qu’il admirait tant. Ce juriste, aussi brillant que séduisant, adorait la castagne. Il donnait des coups pour expurger sa colère d’avoir perdu sa femme. Mais il n’a pas manqué à ses devoirs de père. C’est lui qui venait chercher son fils à l’école, à 16h30 ; et le petit garçon ne supportait pas d’entendre la maîtresse parler de « l’heure des mamans ». Joann Sfar signe un texte d’une justesse rare. 

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  • Conseillé par
    16 août 2016

    Comment tu parles de ton père

    « Papa est né l’année où tonton Adolf est devenu chancelier : 1933. C’est l’année où pour la première fois on a découvert le monstre du Loch Ness. C’est l’année, enfin, où sortait King Kong sur les écrans. Mon père, c’est pas rien. »
    Tel un journal intime, Joann Sfar que nous sommes plutôt habitués à lire à travers les dessins, nous embarque dans sa vie personnelle. Il se livre sur sa relation paternelle, sur la vie de celui-ci et sur les difficultés qu’il a rencontrées.
    C’est un beau « témoignage » plein de tendresse, assez pudique mais qui réussit à nous faire passer du rire à l’émotion