Une robe pour Versailles
EAN13
9782013228534
ISBN
978-2-01-322853-4
Éditeur
Le Livre de poche jeunesse
Date de publication
Collection
LIVRE DE POCHE (LPJ 001444)
Nombre de pages
288
Dimensions
17,8 x 12,5 cm
Poids
180 g
Langue
français
Code dewey
804
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Une robe pour Versailles

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Le Livre de poche jeunesse

Livre De Poche

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Autre version disponible

JEANNE ALBRENT

UNE ROBE POUR
VERSAILLES

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Illustration de couverture : Aline Bureau

©Librairie Générale Française, 2010.

ISBN : 978-2-01-323356-9

Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949
sur les publications destinées à la jeunesse.

À mes parents

1

Une tenue pour la favorite

Octobre 1663

« C'est magique », songea Ariane, le souffle coupé, en entrant pour la première fois à Versailles. Elle avait l'impression de s'être glissée en catimini dans un conte de fées.

— Incroyable ! murmura Élise, sa cousine, qui se tenait à son côté.

Tout était trop somptueux pour être vrai. Chaque pièce paraissait plus neuve et plus immense que la précédente ; pas un meuble qui ne fût verni, doré, sculpté ; pas un mur qui ne fût couvert de marbre, de dorures, de tableaux et de tapisseries...

— Qui vous a demandé de vous arrêter ? protesta Blanchette, leur patronne, d'un ton aigre.

En soupirant, Ariane baissa les yeux et se mêla au ballet des serviteurs. Il y avait six ans qu'elle était à Paris, six ans qu'elle travaillait pour Blanchette, sa tante, et le refrain n'avait pas changé : coudre, coudre, coudre !

Elles traversèrent la foule des domestiques qui tourbillonnait de salle en salle : ici, c'était les musiciens qui s'accordaient ; là-bas étaient dressées les tables du buffet ; un peu plus loin on achevait d'allumer les bougies... Versailles, le petit château de campagne que Louis XIV ne cessait d'embellir, s'apprêtait à recevoir de somptueuses fêtes.

— C'est splendide, souffla Élise, la fille de Blanchette, qui était elle aussi apprentie couturière.

— Allez-y, prenez votre temps, admirez, persifla sa mère.

— Dépêchons-nous, souffla Ariane à sa cousine, il ne faudrait pas être en retard pour... pour...

D'angoisse, elle en bafouillait, mais c'était sans importance : Élise savait parfaitement ce que ce « pour » signifiait. Comment oublier que ce jour allait peut-être changer leurs vies ? Elles étaient sur le point de rencontrer la femme que toute la Cour enviait, et que le roi aimait : Louise de La Vallière. La favorite. Sa liaison avec Louis XIV durait depuis près de trois ans, et elle était plus que jamais en faveur.

— Regarde cette robe ! murmura Élise en attrapant sa cousine par le bras.

Au loin, Ariane aperçut une femme qui portait une magnifique tenue couleur d'or, derrière laquelle tombait une longue traîne de taffetas. Les deux cousines échangèrent un regard ravi. Elles partageaient une même passion pour les étoffes, les vêtements, la mode.

— Et regarde ce pourpoint1 ! renchérit Ariane comme un homme, couvert de tissus précieux et de bijoux, passait non loin d'elles. Tu as vu ?

Blanchette les foudroya du regard et siffla :

— Au fond, Mademoiselle de La Vallière peut bien attendre.

La mention de la favorite, loin de calmer les deux cousines, les énerva un peu plus. Il y avait des semaines qu'elles rêvaient de cette rencontre, qu'elles en discutaient fiévreusement toutes les nuits, espérant être distinguées par la maîtresse du roi. Qui sait ? Peut-être deviendraient-elles les prochaines couturières en vogue de la Cour ?

Elles s'avançaient en chuchotant dans le couloir lorsqu'une fois de plus, Élise se figea. Ariane, intriguée, suivit son regard. Cette fois, ce n'était pas une robe qui avait attiré l'œil de sa cousine, mais plusieurs femmes qui évoluaient gracieusement dans le couloir. Elles étaient d'une beauté singulière ; et ce groupe élégant et joyeux avait quelque chose de fascinant.

Intriguée par ces inconnues, Ariane s'arrêta elle aussi. Qui étaient-elles ? Elles dégageaient une assurance incroyable ; elles semblaient avoir conscience des regards qu'elles attiraient. En passant devant les deux cousines, l'une d'elles, une grande femme rousse, leur adressa même un petit sourire.

— Avancez ! ordonna sévèrement Blanchette.

Surprises par la colère qu'elles devinaient dans sa voix, Ariane et Élise la suivirent sans broncher. S'éloignant à grands pas, Blanchette les mit en garde :

— Ignorez-les ! Ce sont les comédiennes de la troupe de Molière !

Molière ! Ce nom, l'un des plus célèbres de Paris, fit tressaillir les deux jeunes filles : il fleurait le succès et la fortune autant que le scandale. Presque sans le vouloir, Ariane se retourna et suivit des yeux les quatre femmes qui s'éloignaient, précédées malgré elles de rumeurs et de médisances.

« Elle a l'air si jeune ! » songea Ariane, en faisant sa révérence à Mademoiselle de La Vallière. Immédiatement, la jeune couturière avait été frappée par la lumière bleue de son regard, par son joli visage et sa démarche fragile, légèrement boitillante. Son sourire, lui aussi, avait quelque chose de très doux.

— Alors ? demanda la favorite.

— Nous l'avons, Madame, répondit Blanchette.

D'un geste sec, elle fit signe à Ariane d'ouvrir le paquet. Des flots de satin gris et de dentelle s'en échappèrent ; le tissu scintillant de la robe semblait couler sur la table, inondant la pièce de sa lumière.

Depuis toujours, Ariane se plaisait à imaginer les vêtements les plus somptueux, les plus élégants. « Si j'étais une princesse, se disait-elle, j'aimerais porter... », eh bien, justement, elle aurait aimé porter cette robe. Louise l'aimerait-elle ?

Élise lui saisit la main, et chuchota :

— Ne t'en fais pas, je suis sûre que ça lui plaira.

Le cœur battant, Ariane sourit à sa cousine qui était aussi sa complice, sa meilleure amie. Elles avaient travaillé ensemble sur cette robe, corrigeant, améliorant les dessins l'une de l'autre ; et ensemble, elles attendaient à présent le verdict de la favorite.

Lorsque Louise eut enfilé la robe, il sembla à Ariane qu'elle la voyait pour la première fois. Sur une jupe de satin gris pâle, brodé d'arabesques, retombait, ouverte, une seconde jupe d'un gris plus soutenu, bouffante et ornée de rubans clairs. Les manches étaient couvertes de dentelle d'Alençon. Ce n'était pas la robe d'une reine, non ; c'était la robe discrète et splendide d'une fée.

— C'est magnifique, murmura Louise de La Vallière.

Puis, se tournant vers Ariane, elle déclara d'une voix douce :

— Je ne sais comment vous remercier. J'ai rarement vu une si belle robe... c'est tout à fait ce que je voulais.

Ariane sourit, incapable de prononcer un mot. Était-ce un rêve ? Ou Louise de La Vallière était-elle vraiment en train de la féliciter ?

— En fait, poursuivit la maîtresse du roi, je cherchais justement une couturière, et...

Louise s'arrêta un instant, et regarda Ariane en souriant. Celle-ci n'en croyait pas ses oreilles : allait-elle vraiment devenir couturière de la favorite ? Elle sourit en retour, s'apprêtant à répondre, à préciser qu'elle n'avait pas réalisé la robe seule, qu'il fallait également féliciter Élise, lorsque Blanchette prit la parole d'une voix mielleuse :

— Ariane n'est qu'une servante, elle n'a aucun talent, susurra-t-elle. C'est Élise, ma fille, qui a réalisé seule cette robe.

Hébétée, Ariane fixait sa tante qui commençait à chanter les louanges d'Élise, « la plus douée des jeunes couturières ». Quel toupet ! Décidément, Blanchette ne reculait devant aucune bassesse. Mentir à la favorite ! Heureusement, Élise, elle, était loyale. Élise allait contredire sa mère.

Mais les secondes passèrent et Élise demeura silencieuse.

Louise, à présent, ne souriait plus qu'à Élise ; elle hochait la tête, visiblement ravie, en écoutant les flatteries de Blanchette. Finalement, avec un sourire qu'Ariane eût trouvé adorable s'il n'avait été à ce point blessant, la favorite demanda :

— Peut-être qu'Élise accepterait de devenir ma couturière personnelle ?

Sans un regard pour Ariane, Élise hocha la tête. La douleur qui envahit Ariane l'étourdit presque. Non, c'était impossible... Comment Élise, sa cousine, son amie – presque sa sœur – pouvait-elle lui faire cela ? Elle en aurait pleuré !

— C'est décidé, alors ! trancha Louise de son même ton aimable.

Ariane comprenait, à présent, pourquoi Blanchette lui avait laissé porter la robe : elle n'était venue que pour subir les réprimandes de Louise en cas d'échec. Mais puisque la robe lui avait plu, eh bien, Blanchette n'avait plus besoin de sa nièce... Louise sourit à Élise un instant de plus, puis ajouta :

— Mais je dois aller r...
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Commentaires des lecteurs

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8 septembre 2011

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