Stéphane R.

Conseillé par
10 mai 2020

Un titre accrocheur

Livre facile à lire et qui peut servir de porte d'entrée sur ce thème. L’auteur(e) a le courage de s'attaquer à un sujet difficile très débattu en France et souvent de façon polémique. Je suis de tout cœur avec elle surtout depuis un certain 7 janvier 2015... Néanmoins je ne suis pas sûr que l'approche très clivant de cet ouvrage puisse apaiser les esprits. Tout est abordé mais souvent par la polémique et des règlements de compte qui fusent tout au long des chapitres. Elle recadre beaucoup de monde, les américains, les intégristes de tous bords (ce qui me semble normal) et même, ce qui est plus surprenant, des chercheurs dont les intentions laïques sincères ne peuvent être remise en cause comme J. Baubérot et R. Liogier, alors qu'elle devrait travailler avec eux pour faire avancer la recherche et non se disperser en vaines querelles de chapelles. Elle reconnait que la laïcité est à la fois un cadre juridique et un idéal d'émancipation, mais seul le cadre juridique peut servir de référence commune, la loi étant l'expression de la volonté générale ou autrement dit, la foi ne peut faire la loi. L'idéal d'émancipation quant à lui reste du domaine de la liberté individuelle et ne peut être imposé à toute une société. Peut-être qu'il y a une certaine confusion dans son ouvrage entre sécularisation et laïcité, c'est à dire entre un phénomène social et culturel de mise à distance du religieux et un principe de droit qui a pour objectifs de faire vivre ensemble des citoyens d'origines culturelles différentes.

12,40
Conseillé par
10 mai 2020

Fondateur

Cet ouvrage nous démontre que 90% des connaissances sur la Shoah sont déjà connues au début des années 60 (cf Raoul Hilberg). Ce livre est le compte rendu du procès qui se base sur les sources suivantes : la transcription en allemand de l’interrogatoire d'Eichmann par la police israélienne, les documents fournis au tribunal par l'accusation, les dépositions des témoins, le manuscrit d'Eichmann rédigé en argentine avant son arrestation pour une interview. Donc ce livre ne traite pas en soi de l'histoire de la Shoah, ni du totalitarisme, ni de l'antisémitisme, n'est pas non plus une histoire du peuple juif ou allemand durant la seconde guerre mondiale, ni un traité sur la nature du mal. Il s'agit bien de définir la culpabilité d'un homme. Ce que l'accusé n'a pas connu directement ou ce qui ne l'a pas influencé n'a pas sa place dans le procès ni dans le compte rendu, même si ces questions sont passionnantes et peuvent éclairer ponctuellement les débats. Eichmann n'est ni un Iago ni un Mac Beth et il n'a pas fait le mal par principe. Mise a à part son zèle extraordinaire à s'occuper de son avancement, il n'avait aucun mobile. Il a agi par opportunisme sans se rendre compte moralement de ce qu'il faisait, c'est en ce sens qu'il faut comprendre l'expression de la "banalité du mal" et non comme une prédisposition prédatrice et criminelle de l'être humain tapie au fond de chacun d'entre nous.

ou l'urgence de transmettre

J'ai Lu

7,60
Conseillé par
10 mai 2020

Le choc des incultures.

Il y a beaucoup d'ouvrage sur la « crise de l'éducation ». Celui-ci est différent tout au moins dans sa première partie. L'auteur compare l'influence des thèses de Descartes, Rousseau et Bourdieu sur les méthodes pédagogiques pour démontrer à quel point elles ont imprégné notre système éducatif. Son analyse est brillante et originale car trouver du lien entre Bourdieu et Descartes n'est pas une évidence en soi, même si le trait est parfois un peu forcé. Néanmoins, le constat est sans appel : l'école ne sait plus transmettre et nous en sommes en grande partie responsable comme si la modernité avait tourné le dos à la culture en pratiquant une destruction libératrice, l'orgueil d'une post modernité qui ne veut être précédé de rien. Sans doute avons-nous imaginé que cet interdit de transmettre ferait place à un nouveau dynamise que l'auteur réfute. C'est peut-être là que sa démonstration devient moins pertinente, car sa deuxième partie est nettement plus classique et moins aboutie que la précédente. En effet si l'éducation perd pied depuis 30 à 40 ans, c'est aussi parce qu'elle n'a pas su prendre le virage de la démocratisation de l'enseignement et la confondu avec la massification. Contrairement à ce que pense l'auteur sans le démontrer d'ailleurs, la transmission des connaissances ne peut plus se faire comme avant compte tenu du public très hétéroclite accueilli dans les écoles. Il aurait pu envisager dans une troisième partie de comparer la méthode d'apprentissage par transmission avec les autres théories de l'apprentissage comme le béhaviorisme ou le socio constructiviste, ce qui aurait permis de démontrer que les résultats ne sont pas meilleurs en définitive. Force est de constater que les nouvelles méthodes pédagogiques ne fonctionnent pas non plus : l’élève par essence n'est pas un être motivé par le savoir à part quelques exceptions (il faudrait peut-être s’interroger sur ce constat) il n'est pas capable seul d'organiser les conditions de son apprentissage, il ne sait pas et ne peut travailler et apprendre seul sans l’aide d’une médiation. Nous sommes donc dans une impasse dans laquelle s’engouffre l’inculture. Et ce qui devait arriver arriva : « l’homme sans culture semble étranger de sa propre humanité ».

Conseillé par
9 mai 2020

La culture nazie.

Se plonger dans la pensée nazie est une expérience étrange, mais très instructive pour comprendre la fascination que cette idéologie a pu opérer sur le peuple allemand. Pour résumer la démonstration de l'historien qui aime aborder cette période du point de vue des nazis, le nazisme est à la fois une opposition, une position et une proposition ce qui explique son relatif succès. Le nazisme est d'abord un projet culturel non pas de créer un nouvel homme, mais de retour à l'origine, d'effacer 1789 de l'histoire et l'universalisme qui va avec (démocratie, liberté, égalité, fraternité, droits des peuples). Le nazisme c'est aussi de la biologie appliquée : il faut se débarrasser des sédiments culturels qui se sont déposés au fil des aliénations successives : le christianisme, le droit romain, la guerre de trente ans, la révolution française et qui ont perverti l'âme germanique. Il faut prendre en compte les acquis de la science du XIXe siècle pour comprendre que tout est affaire de race et de lutte des races. Le nazisme est aussi une opposition entre culture et civilisation : la civilisation (zivilisation) correspond au mélange des cultures alors que la culture (Kultur) trouve ses origines dans les profondeurs de la race, du sang du sol (blut and boden). Enfin, le nazisme est une promesse de délivrance d'un héritage néfaste, sortir de l'histoire pour retrouver la pureté germanique grâce au Reich de mille ans qui va permettre de retrouver les lois naturelles propres à la "race" germanique.

Presses universitaires de France

19,00
Conseillé par
9 mai 2020

Penser contre soi-même.

Un ouvrage stimulant, facile à lire, avec beaucoup d'exemples concrets qui nous invite à redécouvrir l'esprit des Lumières. Dans cette concurrence ouverte entre les croyances et les connaissances méthodiques, on pense que les deuxièmes l'emportent sur les premières. Or face à l'offre pléthorique du marché cognitif de l'information grâce à Internet, l'individu peut être facilement tenté de composer une représentation du monde commode mentalement plutôt que vraie. Certaines explications pseudo scientifiques paraissent plus convaincantes car elles sont inspirées par une logique pouvant être embrassée d’un seul regard par l'interlocuteur. En bref, les produits de la croyance flattent aisément les pentes naturelles de notre esprit. Il est contre intuitif de penser que l’augmentation du niveau d'instruction prémunit contre cette tendance naturelle vers le biais de confirmation. C'est plutôt l'éducation au contrôle de l'inhibition qui doit nous conduire à résister aux jugements hâtifs, aux informations non pertinentes et au comportements automatiques.